I.Laffont, O. Dizien, B. Bernuz, C. Rech
Hôpital Raymond Poincaré, GARCHES
On estime actuellement à 20 millions le nombre de personnes atteintes de la poliomyélite dans le monde. Parmi elles, 700 000 vivent en Europe et 50 à 60 000 en France. Les dernières épidémies en France ont eu lieu dans les années 1950. La majorité des « anciens polios » dans notre pays ont donc entre 50 et 65 ans.
Beaucoup de ces personnes décrivent une dégradation tardive qui est souvent multifactorielle : complications diverses, vieillissement physiologique, syndrome post-poliomyélitique. La symptomatologie associe habituellement fatigue, sensation de faiblesse musculaire, douleurs, fonte musculaire. Le tout entraîne une diminution des capacités de marche, une diminution de la capacité à monter et à descendre les escaliers, des chutes …
Certains facteurs généraux peuvent contribuer à cette dégradation fonctionnelle : prise de poids (liée à l’âge, à la diminution d’activité, à des perturbations hormonales), maladie intercurrente, immobilisation avec alitement responsable d’une fonte musculaire… Certaines complication orthopédiques particulièrement fréquentes dans cette population concourent elles aussi à cette dégradation : tendinopathies, arthroses secondaires, fractures ostéoporotiques, rachialgies, majoration d’un récurvatum du genou ou d’une déformation du pied. Les déformations rachidiennes (scoliose, cyphoses) peuvent également se majorer avec les années et entraîner des douleurs ou radiculalgies qui sont autant de facteurs aggravants. Les troubles respiratoires sont fréquents : décompensation tardive d’une insuffisance respiratoire restrictive liée à une diminution de la force des muscles respiratoires ou à une majoration de déformations rachidiennes, syndrome des apnées du sommeil. Enfin, certains patients développent un « syndrome post-poliomyélitique » qui correspond aux symptômes résultant d’un épuisement métabolique précoce de motoneurones sur-utilisés. Toutes ces causes sont souvent intriquées et s’ajoutent au vieillissement physiologique.
Parmi les solutions thérapeutiques à notre disposition, les mesures préventives et générales sont les plus importantes : respect de la fatigabilité, hygiène de vie, aménagement de l’environnement, suivi médical régulier pour prévenir les complications les plus fréquentes (surveillance du poids, de la comorbidité, vaccinations, traitement de l’ostéoporose…). Les complications orthopédiques peuvent nécessiter un traitement spécialisé : traitement médical, rééducation, infiltrations… L’insuffisance respiratoire ou le syndrome des apnées du sommeil doivent être dépistés et rendent parfois nécessaire la mise en route d’une ventilation non invasive au masque. Enfin, le recours à l’appareillage et la prescription d’aides techniques (parmi lesquelles le fauteuil roulant) sont utiles dans certains cas et peuvent permettre d’éviter la perte de la marche.
Aussi fréquente soit elle, cette dégradation tardive n’est ni inéluctable ni incurable…