L’OMS annonce l’éradication du Poliovirus sauvage en Afrique. Excellente nouvelle !… mais avec un petit bémol.

L’OMS annonce l’éradication du Poliovirus sauvage en Afrique. Excellente nouvelle !… mais avec un petit bémol. 150 150 Polio-France-Glip

L’OMS annonce l’éradication du Poliovirus sauvage en Afrique

Excellente nouvelle !… mais avec un petit bémol.

L’OMS fait grand cas – et elle a bien raison – de cette nouvelle capitale de l’éradication définitive du Poliovirus sauvage en Afrique. Par définitive, l’Organisation Mondiale de la Santé certifie qu’il n’y a pas eu de nouveau cas de Polio dû au virus sauvage depuis 4 ans. Le dernier cas à être relevé date du 27 août 2016 au Nigéria. Voilà pourquoi cette annonce est publiée ces jours-ci (25 août 2020). Et ceci est le résultat des efforts sans relâche des campagnes de vaccinations menées partout dans le monde.

C’est d’ailleurs là que se trouve le bémol. En effet, l’éradication du Poliovirus sauvage ne veut pas dire qu’il n’y a plus aucun cas déclaré de Polio en Afrique, loin de là. Comme vous pourrez en lire la raison ci-dessous, des cas de Polio dus aux vaccins étaient comptabilisés au nombre de 56 en 2019 et 181 en 2020 (source : 35_Polio_Global_update_26Aug2020 – WHO World Health Organization).

Alors, de quoi parle-t-on ? Heureusement, les chercheurs ont réussi à identifier, en fonction de leurs caractéristiques antigéniques (sérotype*), les différentes formes de virus. Ce qui nous amène à 4 souches différentes de Poliovirus : le sauvage (l’originel, ou WPV pour Wild Polio Virus) et 3 variantes (sérotypes) de virus issues des vaccins eux-mêmes. On dit que ces souches « circulantes » de poliovirus sont dérivées de souches vaccinales (cVDPV Circulating Vaccine-derived Poliovirus). Inoculés sous forme de solution buvable, ces vaccins parcourent le tube digestif, pénètrent l’organisme et mettent en place la protection de celui qui le reçoit. Le « vacciné », ainsi durablement protégé, n’en rejette pas moins dans ses selles une infime partie du virus absorbé. Encore beaucoup de pays (ou régions) n’ont pas de systèmes de traitement des eaux usées, voire même d’égouts évitant le contact avec les populations. Et c’est là que le risque de transmission perdure parce que le virus, même inactivé, peut survivre dans l’élément liquide stagnant (flaques, marigots, etc.). Je ne suis pas sûr que ce qui fait que le virus protège celui qui le reçoit, sous forme de vaccin buvable, et attaque celui qui l’ingérera par contact involontaire avec l’eau d’une flaque, soit bien connu. Dans le premier cas, les anticorps auront eu le temps de se développer et ainsi protéger son hôte. Dans le deuxième, le virus aura-t-il eu le temps de se « réveiller » et de redevenir virulent ? À ce stade, la seule certitude développée par les chercheurs serait de trouver un moyen pour empêcher – ou contenir – le relâchement des résidus du vaccin dans l’environnement. Ceci est loin d’être une plaisanterie. Des chercheurs dans le monde travaillent très sérieusement sur ce problème. En effet, pour réellement éradiquer le virus de la surface de la planète, il faudrait pouvoir isoler les nouveaux vaccinés pendant un minimum d’une quinzaine de jours pour contenir leurs rejets et préserver l’environnement de la présence du virus. Et ceci après être venu à bout du virus sauvage qui circule et sévit encore en Afghanistan et au Pakistan.

Mais ne boudons pas le plaisir de cette annonce et félicitons l’OMS de sa persévérance. Souhaitons également à tous les bénévoles agissant dans le monde pour ces campagnes de vaccinations du courage et de la ténacité.

Robert CORDIER

Président de Polio-France

*Nom que l’on donne à l’ensemble des caractéristiques antigéniques de certains micro-organismes, comme les bactéries. En laboratoire, ces micro-organismes sont classés en fonction de leur réaction en présence d’un sérum contenant des anticorps.